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Le statut de Sahih al-Boukhari chez les savants du Maroc

4/12/2017

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Le statut de Sahih al-Boukhari chez les savants du Maroc

-L’exemple du savant al-Hajoui –

 

Hammad Kabbadj – 2017

 

Depuis que l’Imam Mohammad bin Ismail al-Boukhari (256 H. / 869 G.) –qu’Allah lui fasse Miséricorde- a rédigé son remarquable ouvrage intitulé: « Le recueil authentique des traditions transmises du Messager d’Allahﷺ  ainsi que ses jours et ses nuits »; ce livre extraordinaire a suscité des réactions scientifiques et intellectuelles rarement égalées dans l’Histoire de cette nation.

Cela s’illustre notamment par le fait que:

  1. Les personnes qui l’on transmit se comptent par milliers, ce qui ne laisse aucun doute à l’attribution de cet ouvrage à celui qui l’a produit, de par la multitude de sources par lesquels il nous a été rapporté.
  2. Le processus de critique rigoureuse et minutieuse pratiqué par les experts de la science du récitafin d’évaluer ce livre, s’est soldé par la délivrance de témoignages importants louant cet ouvrage, de la part des plus éminents spécialistes de cette époque ainsi que ceux qui leur ont succédé. Cette reconnaissance scientifiqueaboutira plus tard -dans ce qui deviendra la « science de la terminologie du hadith »- à la formule de « l’acceptation du recueil d’al-Boukhari par (l’ensemble de) la Oumma».
  3. L’importance des travaux produits par les savants concernant ce livre, aussi bien en quantité qu’en qualité, et comprenant : des explications, exégèses, résumés, commentaires, extraits, définitions, etc.

Les bibliothèques islamiques abondent de ces richesses produites par les milliers d’esprits appartenant aux diverses disciplines des sciences islamiques; ce qui confirme l’importance de cette production scientifique qui servit de fondement à l’élaboration d’une méthodologie rigoureuse et innovante.

Les savants d’Orient ne furent pas les seuls à avoir encensé ce recueil. Cela fut également le cas dans l’Occident Musulman, où il eut un énorme impact. Les savants du Maghreb furent parmi ceux qui apportèrent la plus grande reconnaissance à cet ouvrage et le reconnurent comme un avancement majeur dans l’authentification des récits, de par l’ingéniosité de sa méthodologie.

Cela sans oublier leur reconnaissance du côté spirituel de cet ouvrage : ils le considérèrent comme une bénédiction et un moyen de se rapprocher d’Allah, en le lisant, en l’étudiant et en en prenant soin.

Et comment pourrait-il en être autrement, alors que ce livre contient un nombre important de paroles et comportements du meilleur des êtres humains, de l’Imam des messagers et du plus  grand des réformateurs, le prophète Mohammad Ibn Abdallahﷺ ?

Comment pourrait-il en être autrement, alors que son auteur l’a conçu en combinant une méthodologie scientifique rigoureuse et une grande spiritualité, et qu’il ne cessa de le  réexaminer et de le perfectionner durant près de 16 ans?

Si un quelconque chercheur se donnait pour objectif de recenser les manifestations de célébration et le soin particulier donné à cet ouvrage dans notre pays, il ne trouvera ni le temps, ni la force de les couvrir.

C’est le sentiment qui prédomina lorsque je décidai d’écrire sur ce sujet. C’est pourquoi je pris la décision de me concentrer sur un exemple que je trouvais particulièrement révélateur.

Un exemple qui, à mon humble avis, est pertinent pour les raisons suivantes :

  1. Il concerne un savant marocain ayant une connaissance approfondie des sciences islamiques
  2. C’est un penseur « moudjtahid » (qualifié pour l’interprétation des textes fondateurs de l’Islam et en déduire le droit) et créatif, se prononçant de manière critique et indépendante
  3. C’est un savant et intellectuel du 20ième siècle.

Cela met en exergue l’importance et la qualité du livre de l’Imam al-Boukhari, et souligne l’exactitude et l’intégrité de la méthodologie de ce livre, qui fut étudié par un grand nombre de savants et de spécialistes à travers les siècles et qui a suscité l’admiration de tous, du « Machreq » au « Maghreb », sur une période allant du 3ième au 14ième siècle de l’hégire.

Et cet exemple est celui du grand savant, jurisconsulte, réformateur et homme politique marocain :Mohamed Ibn al-Hassan al-Hajoui Tha’albi (1376 H. / 1956 G.), et son ouvrage intitulé : « La défense des deux « Sahihs » (recueils authentiques), une défense de l’Islam.

Une copie manuscrite de ce livre est conservée à la Bibliothèque Nationale à Rabat.

Il fut également publié en 2003 par le docteur Mohamed Ben Azouz aux éditions Ibn Hazm.

En plus d’y ajouter une analyse et une authentification, Mohamed Ben Azouz y a adjoint l’œuvre du savant Mohammad Ibn Ahmad al-Alaoui al-Ismaïli  (1367 H. / 1948 G.) : « Clarification de la voie de la sagesse, pour une résolution de la question de l’athéisme ».

Le savant al-Hajoui cita parmi les raisons qui le poussèrent à écrire son ouvrage le fait qu’une personne se permit en son temps d’affirmer qu’ « un hadith dans les Sahihs d’al-Boukhari et de Mouslim est contrefait, que les athées l’ont ajouté (dans ces deux recueils), et qu’il a été fabriqué par les innovateurs en religion et les personnes guidées par leur lubies. Il se décida à rédiger son livre lors d’une des veillées auprès du sultan Mohamed V, traditionnellement organisées durant le mois de ramadan.

Al-Hajoui était l’un savants les plus éminents des ces conseils, aux côtés des grands érudits : Abou Chouaib Doukkali ainsi que Mohamed Belarbi Alaoui et Mohammad Madani Bin al-Hassani.

Et afin de démontrer l’importance d’une telle position prise parMohamed al-Hajoui et de son œuvre réformatrice et critique visant àmaintenir les sources de la religion islamique, notons les paroles de Allal al-Fassi dans son livre « Défense de la Chari’a » (p.62) : « Par la bonté d’Allah envers sa religion et sa chari’a, il a décrété à chaque époque des personnes chargés de les protéger et se s’assurer de la compréhension de leursfondements. La déviation de certains groupes de la religion ne cause aucun préjudice à l’Islam; cela ne cause de tort qu’aux contrevenants et ceux ayant déviés (de la juste voie). La parole d’Allah est préservée, et ceux qui s’y rattachent continueront d’exister, et se doivent de continuer le travail de réforme, de s’opposer aux déviations et impostures et de contrer les interprétations ignorantes.

Et de fait, tout cela s’est produit durant les différentes périodes qui ont précédé. Allah a donc fait en sorte que la Oumma soit guidée et la religion revivifiée, à travers de grandes personnalités telles que : Ahmad Ibn Hanbal et son sacrifice afin que le dogme juste et la chari’a  puissent perdurer, al-Baqilani, al-Alch’ari, Ibn al-Qayyim, Ibn Taymiyah, as-Shatibi, Ibn Hazm, ‘Iyaad, Ibn al-Arabi, at-Tartouchi, Ibn al-Hajj, et des milliers d’autres Hommes de l’Islam sur lesquelsreposèrent la compréhension juste et la diffusion de l’Islam durant les siècles précédents.

Si la confiance dans les sources fondamentales de l’Islam est abandonnée, il n’y a alors plus de place pour le travail de prédication, d’éducation, de réforme culturelle et politique, car ce travail, ainsi que tous les mouvements réformistes qui le mènent, se basent sur les sources établissant la vision et la méthodologie islamiques».

Le savant al-Hajoui souligne les dangers d’oser remettre en question ce livre en affirmant: « Si les Musulmans se mettent à dénigrer les compagnons, les hommes d’al-Boukhari (c.-à-d. les rapporteurs des hadits authentiques cités par al-Boukhari) et les imams de la religion par lesquels la législation divine nous a été transmise,  et s’ils se mettent à nier leurs véracité et à remettre en question les livres authentiques sur lesquels il y a consensus (parmi les savants de la Oumma) – ces livres étant la preuve détenue par les musulmans sur la justesse de leur croyance- alors notre religion sera telle que la religion des juifs et des chrétiens, aux livres contestés. Nous serions nous-mêmes les détracteurs de notre propre religion et de ce qui fait sa singularité par rapport aux autres (religions), qui nous verraient alors comme semblables à elles (basées sur des livres non-authentiques) ».

Il dit également : « Le musulmanne peut oser dénigrer les recueils authentiques d’al-Boukhari et Mouslim en réfutant l’un de leurs hadiths par l’utilisation d’arguments faibles et non vérifiés, alors qu’un consensus de la Oumma s’est établi quant à la véracité de ces recueils, sur lesquels se sont basées les quatre grandes écoles juridiques islamiques afin d’établir les fondements de la jurisprudence et de la religion. Et y a-t-il d’autres sources qui nous ont été laissées afin de connaitre la sounna du Prophèteﷺ – elle-même nous expliquant le saint Coran- que ces deux recueils ainsi que les « Quatre Sounanes », le « Mouwatta’ » de l’Imam Malik et le «Mousnad de l’Imam Ahmad ? (les deux premières citées restant les sources les plus authentiques) ».

Al-Hajoui fait référence aux intentions malhonnêtes dissimulées chez certains de ses critiques : « Il apparaîtque les critiques exprimées par les athées concernant les deux hadiths dits de« la sorcellerie » et de « l’empoisonnement », n’ont pas pour but la recherche  de l’authenticité, mais plutôt le désir de nous faire douter de la sounna de notre Prophète ﷺ et de détruire le fondement de notre religion ».

Dans un autre passage, il décrit la critique qui n’est pas fondée sur une méthodologie scientifique comme étant un recours a des « procédés enfantins ».

D’un autre côté, il défend l’idée selon laquelle l’étude et la critique des hadiths contenus dans les deux livres authentiques a besoin de qualifications scientifiques comprenant la maîtrise « des règles des fondements et de l’exégèse que tout commentateur ou rapporteur de texte (religieux) a besoin de maîtriser(…) Toute personne voulant argumenter en se basant sur les textes du Coran et la Sounnah se doit de maîtriserles sciences de la langue arabe, de l’exégèse, de la logique et des fondements, afin d’en connaîtreles subtilités. Ces sciences sont des règles établies afin de comprendre les mots; et celui qui les ignore commet alors des erreurs dans la compréhension du sens des propos étudiés. Il pense les avoir compris, alors qu’il est en erreur et ignorant ».

À plusieurs reprises, le savant al-Hajoui répond à l’un des arguments récurrents des critiques du Sahih, lorsqu’ils affirment que certains des hadiths qu’il contient contredisent la raison et le Coran.

Il affirma concernant les deux hadiths traitantdu « mariage de Ali » et de « l’imamat à Quouraïch » : « Je ne sais sur quel verset coranique ou argument rationnel définitif se basent ces gens afin de démentir ces deux hadiths? ».

Sur le hadith de « l’ange de la mort » il dit : « nul Coran ni raison ne peut démentir ce hadith ».

Enfin, sur le hadith concernant « la venue de Jésus à la fin des temps » il affirma : « Je ne vois pas quel verset dans le saint Coran démentirait ou remettrait en cause ce hadith?».

Je voudrais pour finir, rappeler que le fait d’émettre des critiques sur certains hadiths du recueil authentique d’al-Boukhari n’est pas considéré comme une hérésie.

Cela ne devient condamnable que lorsque cette critique se base sur une lubie, une haine, unapriori négatif, ou encore une appréciation qui ne se fonde pas sur une méthodologie juste et qui ne se base pas sur les règles strictes et reconnues de la critique des textes et sur les fondements des sciences islamiques.

La critique n’est donc pas rejetée de-facto. Preuve en est : depuis que le Sahih d’al-Boukhari a été écrit et jusqu’à nos jours, les savants ont effectué ce travail de critique sur la méthodologie adoptée pour son élaboration. Et par cela, nous comprenons que la défense des savants à travers les siècles des deux Sahihs et des autres recueils de hadiths – qui restent primordiaux dans la religion islamique-; cette défense ne signifie pas que ces livres sont sacrés ou que leurs auteurs soient infaillibles. Ces critiques des savants doivent plutôt être vues comme un effort de préservation de ces livres face aux tentatives d’altération, de falsification et faceaux mauvaises intentions alimentées par une haine vouée à cette juste religion.

traduction: N. R.